Alexis Piron(1669/1773)-Bécat
PAUL EMILE BECAT
L'AVE MARIA
Dans un couvent, deux nonettes
gentilles,
Mais dont l'esprit simple, doux, innocent,
Ne connaissait que
le tour et les grilles,
Tenaient un jour propos intéressant
De confidence
et d'amitié fort tendre.
Notez qu'aucun ne pouvait les entendre.
L'huit
clos était. Fillettes de jaser,
De s'appeler et " ma chère " et " ma bonne
"
De se donner saintement un baiser,
D'y revenir, sans qu'aucune
soupçonne
Que le malin les induit à ce jeu.
Jésus ! ma sœur, dit la jeune
Sophie,
Qu'on voit en vous les merveilles de Dieu !
Quelle beauté ! vous
êtes accomplie.
Voyez ce sein ! le globe en est parfait .
Que ce bouton de
rose là me plaît !
J'y vois la main de la Toute-Puissance.
- Et vous, mon
cœur, reprend la sœur Constance,
Peut-on vous voir et ne pas l'adorer
?
Tout est parfait ; tout en vous m'édifie. "
Lors, le pieux examen sur
Sophie
Va son chemin ; on admire ceci,
Et puis cela, tant que par
aventure,
En certain que la folle nature
Fit à plaisir, l'examen vint
aussi.
Pieux élan, obligeamment mystique,
Naît aussitôt de cet objet
charmant !
" Ma chère sœur, l'agréable portique !
Le beau dessin ; qu'il
est simple et piquant !
- Chez vous, ma sœur lui réplique Sophie,
Mêmes
appas, mon âme en est ravie ;
Rien de si beau dit ne s'offrit à mes
yeux.
Vous allez rire, il me prend une envie :
C'est de savoir qui de nous
deux
A plus petit ce chef d'œuvre des cieux.
- C'est vous ma sœur. - Non
ma sœur, je vous jure,
C'est vous. - Eh bien ! prenons en la mesure,
Notre
rosaire est tout propre à cela.
On y procède. " Eh ! bien, dit Sophie,
Qui
l'aurait cru ? Vous l'avez, chère amie,
Plus grand que moi d'un AVE MARIA !
"
ALEXIS PIRON (1669 - 1773 )